Martin Turgeon : garder l’équilibre
L’humoriste Martin Turgeon a offert au public montréalais la plus récente prestation-rodage de son one man show sur la scène du Bistro du Parc des Princes de l’avenue du Parc samedi dernier.
Le stand up de 37 ans, tout récemment devenu papa, a voulu échanger avec son public sur différents sujets qui lui tiennent à coeur: la condition féminine d’antan et la condition masculine d’aujourd’hui, la capacité à être heureux dans la vie, le couple et les travers de notre société, pour ne nommer que cela.
L’un de moments phares de la prestation de l’humoriste a été la lecture d’extraits d’anciens manuels scolaires d’éducation à la vie familiale datant des années 50 et 60; il réussit, en maniant ces passages, à faire le lien entre la (teriffiante) condition féminine d’antan, la montée féministe et les résultats sur la condition masculine de nos jours. L’utilisation de ces extraits, qui font alternativement grincer des dents ou écarquiller les yeux (et souvent les deux en même temps!) se fait tout en finesse et ajoute au propos. Un peu plus, ç’aurait été la surdose; un peu moins, ç’aurait été futile. Turgeon a réussi à atteindre un équilibre délicat dans ce numéro qui aurait pu vite tomber dans les clichés et les blagues « réchauffées », les relations hommes-femmes étant un sujet sur-utilisé par les stand ups de tout acabit et ce, depuis la nuit des temps.
La partie de son spectacle pendant laquelle il parle de notre capacité à être heureux, en tant qu’humain, tombe dans un autre registre. Avec humour, Martin parle de son fils Charlie, né avec des malformations, et de comment lui et sa conjointe passent au travers. Par moment, on le sent très émotif et fragile; Turgeon n’hésite pas à “mettre ses tripes sur la table”, et le public suit et passe du silence solennel aux éclats de rire. À plusieurs reprises, on reconnaissait le style d’Yvon Deschamps qui émeuvait ses salles pour ensuite dédramatiser avec quelques punchs bien lancés. Sans devenir larmoyante, cette partie du spectacle a touché la majorité de l’audience ; Turgeon joue finement avec la « tension dramatique », sans verser dans le mélodrame, et on s’y laisse prendre.
En utilisant des numéros courts qui aboutissent avec punch, Martin Turgeon réussit à livrer la marchandise et fait ricaner même les plus difficiles à faire craquer. Son style n’est ni vulgaire, ni trash mais sa livraison n’en demeure pas moins authentique, à l’occasion grimaçante. Il arrive à maintenir un équilibre précaire qui semble difficile à atteindre dans le milieu humoristique actuel. Certains pourraient percevoir cela comme une peur du risque ou un désir de rester politiquement correct ; d’autres le sentiront plutôt comme une véritable bouffée d’air frais.
Avant de se produire seul sur scène, Turgeon a auparavant fait partie des Disciples de l’humour, un regroupement de comédiens, scripteurs, animateurs et comiques qui sévissait au même endroit que la prestation de samedi dernier. Il a également fait les premières parties des humoristes Bruno Landry et Maxim Martin et du chanteur Polo (Frères à Ch’val).