Première canadienne de Lowlife Love: la célébration du cinéma japonais indépendant
Que pourrait définir au mieux le système de production de films japonais si ce n’est le sexe, la corruption et la violence ? Un système fait de vauriens, de crapules et de personnalités fières et hautaines, unique moyen d’accéder à la starisation. Heureusement, le cinéma indépendant crée sa place dans cette machine infernale. Et quel cinéma ! Fantasia nous le révèle…
À travers le personnage de Tetsuo, crapule de 39 ans qui joue de son titre de cinéaste indépendant pour attirer les filles et, qui plus est, de talentueuses jeunes pousses, Eiji Uchida nous conduit dans les coulisses peu réjouissantes du cinéma japonais. Entouré de son fidèle ami Mamuro et et du vieux sage Kida – interprété par le célèbre acteur japonais Denden – que les années dans le milieu ont endurci, mais que les jeunes femmes continuent de mener en bateau, Tetsuo incarne le réalisateur vaurien qui trouvera vite les limites à ses crapuleries.
Par une mise en abyme qui ne manque pas de rythme, Eiji Uchida et son producteur Adam Torel abordent avec brio les défaillances de la production cinématographique industrielle japonaise. Munis d’un budget de 50 000$ qui ne pèse rien dans la lourde industrie du cinéma japonais, et de seulement 10 jours de tournage (pour une moyenne de 15 habituellement au Japon) le duo réussit le pari que se lance le personnage principal du film : prouver que le cinéma indépendant amorce, révèle, libère les talents qui ne profitent que dans un second temps au “star-system”.
Eiji Uchida use des mêmes ingrédients qui font la réussite de ce qu’il dénonce, faisant jouer le sexe au premier plan (dès la scène d’ouverture) mais aussi des scènes de violence malaisantes parallèlement à des situations plus cocasses. Aucune complication philosophique ne traîne derrière, la réussite du film tient dans une distribution de qualité, mettant en scène le charismatique Kiyohiko Shikutawa, aux côtés de la charmante Nanami Kawakami et de seconds rôles attachants. Uchida joue avec hardiesse sur les sentiments transversaux de ses personnages pour offrir un panorama difficile mais sensible d’un monde que l’on connaissait déjà cruel et charnel de l’industrie cinématographique et de ses déboires.
Mais que donneraient les producteurs pour atteindre ce tiercé gagnant ?
Si « tous les japonais ne se comportent pas de la même manière que dans le film », comme le précise avec humour l’acteur Denden après séance, à savoir des individus prêts à tout pour réussir, Uchida, Torel et Denden sont unanimes sur le fonctionnement peu scrupuleux que revêt l’industrie cinématopgraphique japonaise. L’utilisation automatique et impudique du sexe, la violence exacerbée et une forme de censure semblent perdurer dans une réalité qui fait le succès du système actuel. « Ils te demandent de montrer de la nudité, des chiens et des chats, et c’est la réalité… » confirme Eiji Uchida, ce à quoi le cinéma indépendant permet encore d’échapper.
Après avoir donné dans le sanglant et le sensationnel avec son précédent film Greatful Dead, Eiji Uchida explique avoir voulu aborder un sujet plus proche de tous les japonais. La dure réalité du système ici portée en satire prouve que le cinéma japonais indépendant mérite en effet toute l’attention de la part de son audience qui trouvera dans comédie dramatique qu’est Lowlife Love ce qu’il faut de malaise et de séduction.
Titre du film : Lowlife love
Pays : Japon
Durée : 1h50
Première sortie en salle(Allemagne) : 18 août 2016